LIVRES

Marc Touret crée à travers ses bronzes un univers dont on dit qu’il est proche de Jérome Bosch, Magritte, Tardi ou Hergé. Dans l’écriture, il explore un autre mode de création, infiniment plus léger, certes, mais tout aussi excitant. Car triturer les mots ou bricoler ses phrases le captive tout autant que malaxer la cire ou patiner ses bronzes. Ces pratiques le conduisent toujours au même enchantement: accoucher de soi-même pour engendrer le vivant. Et c’est ce qui fait son bonheur.

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Tout ça, c’est la faute au « trou », dans la cour.

Sous les vélos suspendus, dans l’appentis de terre battue, un petit trou, le « pot » pour jouer aux billes avec mon copain de l’immeuble-bombardé-d’en-face-que-c’etait-trop-dangereux. Interdit. Fallait pas ! Ça tombe bien, j’étais raisonnable. Au fond du trou, en grattant un peu, pour que les billes de terre cuite, bleues, rouges ou vertes, roulent bien dedans : « crotte de crotte !... on dirait de la glaise ! » Naturelle. Là, depuis toujours. Ocre avec des filets jaunes comme les agates, justement. Grasse et malléable. Souple, docile à plaisir. Et douce...

Ma première sculpture, je l’ai « cuite » dans la cuisinière à charbon de ma mère, juste après la tarte aux pommes du dimanche, parce que le four était encore bien chaud.

Un bonhomme à pipe et chapeau, peinturluré à la peinture d’école. La pipe a cassé. J’avais six ans.

« SAINT PARFAIT »

autobiographie 2008

SAINT PARFAIT, ce sont les années d’apprentissage d’un enfant de la banlieue parisienne dans les années qui suivent la Libération, dans une ville sévèrement touchée par les destructions, où la vie quotidienne s’organise dans la pénurie, le froid et la débrouillardise pour récupérer tout ce qui peut améliorer l’ordinaire. "Saint Parfait" pourrait se situer quelque part entre "La Guerre des Boutons "de Louis Pergaud et "Zazie dans le métro" de Raymond Queneau.

La construction est originale, en courts chapitres comme des petites nouvelles, des séquences, ou des tableaux vivants. Des comptines, des chansons d’enfant, de nombreuses références aux illustrés de l’époque et des citations de marques rythment le texte, un peu à la manière des "Je me souviens "de Georges Perec.

Alain PERRONO

Livre Hebdo

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Entièrement soumis à des pères de substitution ascétiques ou vicieux, angéliques ou pervers, de jeunes garçons, cloîtrés comme des moines vont être modelés, formatés par la méditation, l’étude et la prière. Pendant de longues années on tentera d'en faire des prêtres. Huit ans, le nez sur les statues des chapelles, à questionner les bons dieux de bois peints et implorer des vierges enluminées, l’auteur de "Saint Parfait" remonte petit à petit, dans ce nouveau récit, les méandres d’une vocation.

Pas celle à laquelle on devait s’attendre au petit séminaire de Versailles. Raté.

Car la fréquentation des crucifix, des chemins de croix, des piétàs, des saints et martyrs, en bois, en stuc, en marbre ou en terre ne feront pas de lui un prêtre.

Mais un sculpteur.

Iconoclaste et singulier.

Marc Touret en fait un récit fort, poétique et humoristique, même dans les moments les plus graves. La lecture de son histoire de séminariste ne laisse pas d'arrière goût d'amertume, mais fait ressentir la déception d'un enfant qui avait cru en la promesse.

Sa résistance et son appétit de vivre, face à l'endoctrinement et à la perversité de certains "bons pères" touchent profondément.

Qu'il conte les troubles d'une adolescence ignorante ou le feu purificateur des tourments mystiques, les joies triviales de la bricole ou la cocasserie des rites d'une communauté, l'auteur, par son style enlevé et truculent, donne tout le suc de la vie à ce récit initiatique.